Dans le cadre d’une décision du 26 juillet dernier (Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, 26/07/2023, 466493), le Conseil d’État a dû se prononcer sur un sujet inédit : une dépense de R&D est-elle éligible au CIR alors qu’il n’y a pas de règlement direct par la société qui s’en prévaut ?
Rappel des faits
Une société avait été redressée fiscalement pour la prise en compte dans son CIR de dépenses externalisées dans le cadre d’un partenariat de recherche signé avec un organisme public.
Dans le cadre de ce partenariat, la société avait confié certaines opérations à plusieurs organismes selon un accord de consortium. En application de cet accord, le coût des prestations confiées était partiellement payé par l’organisme public de recherche et le reste était supporté par lesdits organismes.
L’Administration fiscale a considéré que les dépenses externalisées n’incombaient pas directement à la société et les a donc exclu du CIR.
Cette position avait été confirmée en première instance (TA de Versailles, 28 février 2020) et en appel (CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 07/06/2022, 20VE01942).
La décision du Conseil d’État
Dans un arrêt du 26 juillet 2023, le Conseil d’État est venu préciser que « Lorsqu’une entreprise confie à un organisme agréé, l’exécution de prestations nécessaires au projet de R&D qu’elle mène, les dépenses correspondantes peuvent être prises en compte pour le calcul de son CIR, même si les prestations sous-traitées à cet organisme feraient l’objet d’un paiement direct à celui-ci par le cocontractant de l’entreprise donneuse d’ordre. »
En rappelant ce principe, le Conseil d’État en conclut que la CAA de Versailles a commis une erreur de droit. Il est précisé que :
- Le règlement direct par le l’organisme public des prestations de recherche réalisées n’est pas de nature, par lui-même, à faire obstacle à ce que les dépenses correspondantes soient regardées comme exposées par la société
- Et que la Cour aurait dû rechercher si ces prestations avaient été réalisées (ou non) pour le compte de la société.
En conclusion
Si on se réfère à cet arrêt, il semble que la notion de dépense exposée puisse ne pas nécessiter un paiement direct de la part de l’entreprise bénéficiaire du CIR.
Au regard de la prise en compte de la charge pour la détermination du résultat fiscal de la société, il est important de noter que la Compagnie nationales des commissaires aux comptes a précisé que « les dépenses devaient donner lieu, pour le titulaire, à une comptabilisation en charges des dépenses de sous-traitance facturées dans le cadre du marché et, en conséquence du paiement direct, par une écriture soldant le compte fournisseur du sous-traitant par le crédit du compte client de l’acheteur public ».
L’affaire a été renvoyée devant la Cour administrative d’appel de Versailles, qui devra instruire le dossier en se basant exclusivement sur les directives établies par le Conseil d’État.